16 décembre 2021
8 présents, 26 excusés
La fréquentation de ce dernier entretien de l’année a été grandement limitée par le brouillard et la neige qui ont contraint de nombreux membres à s’excuser. Le covid n'a rien arrangé... Finalement, les 8 participants en ont profité pour partager de façon assez approfondie leurs lectures de l’année.
Les ouvrages très divers présentés ont suscité des discussions très intéressantes. On peut trouver une brève description de ces livres ci-dessous.
Lucien Febvre et François Crouzet, Albin Michel 1950, réédité en 2012, 400 p.
Michel Campy
L’auteur commence par rappeler les différents mythes attachés aux représentations du druide depuis l’Antiquité jusqu’à notre époque, tout en rappelant les contextes historiques, culturels et géographiques correspondants. Essayant de cerner la réalité de la société gauloise à partir du 5e siècle, il examine le rôle capital de Marseille qui semble avoir été l’interface permettant l’échange des idées entre deux cultures, grecque et celte. Par contre, il pense que les relations commerciales existant depuis longtemps entre ces entités ont tenu un rôle mineur dans la circulation des connaissances.
L’émergence des druides dans la société gauloise serait à situer à la fin du 3e siècle. Dès cette époque, des contacts avérés avec des élèves de Phytagore et sans doute avec d’autres philosophes grecs, auraient nourri réciproquement une certaine conception de l’univers. Les druides ont pris progressivement de l’importance au sein du monde gaulois, leur statut de savants, moralisateurs et pédagogues s’est construit et imposé. Sages ou philosophes, ils étaient considérés comme les dépositaires de connaissances quasi-encyclopédiques : philosophie et morale, mathématiques, astronomie, géographie, connaissance de la nature avec laquelle ils vivaient dans une sorte de symbiose spirituelle… Ils avaient aussi une importante fonction de modérateurs et d’arbitres dans les frictions qui naissaient et renaissaient constamment entre les différentes tribus. Enfin, les druides veillaient également à la pérennisation de leur fonction en s’entourant de jeunes disciples qu’ils formaient durant une vingtaine d’années et avec lesquels ils partageaient très progressivement leur savoir. Seulement, ce savoir restait circonscrit à ce petit cercle d’initiés et ne bénéficiait à la communauté que par l’intercession des druides, d’où leur pouvoir. Cela pourrait peut-être expliquer que la connaissance de l’écriture n’ait pas été divulguée.
Savants, moralisateurs, pédagogues, mais pas prêtres. J.-L. Brunaux insiste sur ce point, contrairement aux nombreux historiens qui, au cours des siècles, ont voulu enfermer les druides dans cette fonction. Cette notion est vivement combattue par l’auteur qui pourfend nombre de ses confrères contemporains décrivant les druides comme des officiants de la religion gauloise.
Le déclin des druides débuta vers le milieu du 1er siècle, dû aux changements culturels et économiques apportés par l’expansion romaine. Mais comment a-t-on pu cerner leur rôle au sein de la société dans laquelle ils vivaient puisqu’ils gardaient secrète la plupart des leurs connaissances ? Plusieurs auteurs antiques les ont évoqués, le principal, le plus objectif étant Poséidonios d’Apamée, dont les écrits ont été fortement réutilisés par Cicéron et César. Ce dernier ne s’est pas intéressé à toutes les informations délivrées par Poséidonios, ne retenant que les aspects qui lui semblaient utiles.
En conclusion, cet ouvrage m’a permis découvrir le rôle important de ces personnages mystérieux dans la structuration de la société celte sur le territoire de la Gaule et de mesurer la vivacité des échanges culturels entre le monde dit barbare et la culture gréco-romaine. Bien que le sujet et son traitement soient un peu austères, j’ai pris un certain plaisir à cette lecture.
Bernard Leroy
Jeanine Cummings, éd. fr. P. Rey, 2020, 544 p.
Ce roman écrit par une Américaine n’est pas passé inaperçu en plein débat sur les problèmes de l'immigration clandestine. Une Mexicaine et son fils âgé d'une dizaine d'années, menacés par les cartels, fuient la mort qui leur est promise et traversent leur pays pour se réfugier aux Etats-Unis. Un roman dur, très prenant, bien écrit, qui permet de comprendre, s'il le fallait, que tous les réfugiés en quête d'asile ne sont pas tous de simples émigrés économiques. Le chemin de la fuite est semé d'embuches, mais aussi de rencontres humaines profondes et de partages forts.
A l'heure où s'érige un mur séparant Mexique et Etats-Unis, on ne sait plus si l'on est dans un roman ou dans la réalité. L'auteur s'est documentée très sérieusement et les descriptions plongent le lecteur dans l'action. Des Mexicains scandalisés n'ont pas admis que l'on décrive ainsi leur pays et des immigrés ont crié à l’appropriation culturelle de leur histoire par une blanche américaine ! Succès grandiose aux USA.
Paradis perdus
Eric-Emmanuel Schmitt, Albin Michel, 2020, 576 p.
L'ouvrage décrit un monde de type néolithique avec un chef de village, fils du chef précédent, confronté à la gestion d'une petite communauté villageoise et devant s'affirmer. Il va se trouver confronté à une vague gigantesque qui détruit son village et le contraint à bâtir un bâteau de fortune sur lequel il devra naviguer quelques temps. Il s'appelle Noam...
Plaisant à lire, bien renseigné, avec des aller-retours entre hier et aujourd’hui par une astuce qui donne au héros une vie éternelle.
On se trouve donc face à un vrai roman au Néolithique, et non pas à une fresque traversant toute la préhistoire. Le deuxième tome, qui vient de sortir de presse, nous situe au Proche-Orient, aux temps des premières villes, aux temps "babyloniens" avec l'érection d'une tour pour accéder aux côtés des dieux... Donc un autre épisode des temps passés.
Le roman par épisodes l'emporte de beaucoup sur l'Histoire de l'Humanité.
François Schifferdecker
Marcel Proust
Premier sang
Amélie Nothomb, Albin Michel, 2021, 180 p.
À noter aussi le dernier roman d’Amélie Nothomb. Très beau livre, policier semi-autobiographique, dans lequel se passe réellement quelque chose du domaine de l’affectif.
Françoise Jeanne Nicod
Jean-Pierre Martin, Gallimard, 2013, 160 p.
Les petites fugues ont permis à l’un d’entre nous de découvrir Jean-Pierre Martin, homme d’une grande qualité humaine et d’une grande sensibilité. Ecrivain, essayiste, professeur émérite de littérature contemporaine à l'université Lumière Lyon 2, il décrit dans « L’autre vie d’Orwell » les dernières années de la vie de George Orwell, accompagné de son fils adoptif, dans l’île de Jura au nord-ouest de l’Ecosse, où il écrivit « 1984 ». Un très beau livre, très documenté.
Michel Jean, éd. Dépaysage, 2019, 296 p.
Paru en 2019, « Kukum » du journaliste d’origine innu Michel Jean raconte l’histoire d’une famille passée en quelques générations des chasseurs-cueilleurs à la civilisation anglaise, de la transhumance sur des centaines de km aux voyages en train. C’est la fin du mode de vie traditionnel des peuples nomades du nord-est de l'Amérique et les conséquences, encore actuelles, de la sédentarisation forcée ou du génocide culturel du peuple Innu. L’homme n’est progressivement plus inclus dans la nature…
Yuval Noah Harari, Albin Michel, 2015, 512 p.
Ce docteur en histoire diplômé de l’université d’Oxford est l’auteur de « Sapiens : une brève histoire de l’humanité », publié en hébreu en 2011, en anglais en 2014 et enfin en français par Albin Michel. Le livre propose une vue d’ensemble de l’histoire de l’humanité et de son évolution depuis le début du Pléistocène supérieur jusqu’au XXIe siècle. Selon l’auteur, l’homme, qui est responsable de la destruction de la grande faune, était plus libre, plus heureux, avant la sédentarisation.
Guy Bernard
Jean-Marc Jancovici (scénario) et Christophe Blain (dessin), Dargaud, 2021,196 p.
Dans cette formidable bande dessinée « Le Monde sans fin, miracle énergétique et dérive climatique », les thèses de Jean-Marc Jancovici sont illustrées par Christophe Blain qui joue le rôle d’un candide. Intelligent, limpide, non dénué d'humour, cet ouvrage explique sous forme de chapitres les changements profonds que notre planète vit actuellement et quelles conséquences, déjà observées, ces changements parfois radicaux signifient. Cet ouvrage est une performance qui invite à la réflexion sur des sujets telle la transition énergétique.
Hélène Lacroix
Mohican
Eric Fottorino, Gallimard, 2021, 288 p.